Il y a un parfum de nostalgie qui flotte dans l’air. Une sorte de tristesse douce dont elle ne parvient à se séparer. Son regard ne peut se détacher des photos qu’elle tient dans les mains, derniers souvenirs d’une vie effacée, envolée. Seuls vestiges de cette femme qu’elle était, de ces moments passés à parcourir le monde, à découvrir ses secrets, de ces instants d’une liberté gagnée et pourtant douloureuse. Elle voit le sourire sur le visage de ces gens, de ces personnes rencontrées lors de ses missions. Elle y lit la fatigue aussi, la peur ancrée au fond du regard parce qu’ils n’ont pas la chance de pouvoir vivre sans crainte, parce qu’ils ne sont que des victimes de ce monde bien trop cruel. Son cœur se serre lorsqu’elle se rappelle cette misère qu’elle n’a su supporter. Impuissance trop lourde pour ses épaules fragiles. Elle a vu le meilleur et le pire chez l’homme. Le bon et le mauvais. Elle a vu l’injustice, la pauvreté, le combat quotidien de personnes pourtant innocentes et généreuses. Durant des années elle a été confrontée à ce que la société tente si fortement de nous cacher. Passionnée par son travail, par ce besoin d’être au contact du monde réel, immergée dans ces vies qu’on aimerait nous faire oublier. Mais elle, elle n’oublie pas… Ces instants-là sont gravés à jamais dans sa mémoire. Être reporter était une véritable vocation pour la jeune femme. Elle regrette parfois d’avoir mis fin à cette carrière pourtant prometteuse. Mais elle n’avait plus la force de continuer… Trop impliquée pour continuer, trop touchée par l’histoire de ces gens, de ces âmes pures rencontrées à travers le monde.

Ses mains tremblent alors qu’elle tourne avec lenteur les pages de l’album photo, de ce livre empreint d’émotions qui se passent de mots. Ses yeux se mettent doucement à briller lorsqu’elle croise son visage… Et déjà son cœur se met à battre plus vite sous les traits qui se dessinent devant elle. Blake. Elle revient toujours à lui, incapable d’oublier cet homme envolé, incapable de faire taire l’amour qu’elle a pour lui. Elle ne peut s’empêcher de penser à lui, à ces moments magiques passés ensemble, à ce vide qu’il a laissé depuis qu’il l’a quitté, à ce manque constant qu’elle ne peut combler. Elle a parfois l’impression que son monde ne tourne qu’autour de lui, de ces sentiments qu’elle ne peut effacer comme s’il était la pièce maitresse de son existence. Tout avait changé à l’instant où il était entré dans sa vie, réduisant à néant toutes les limites qu’elles s’étaient imposées. Jamais elle n'aurait pensé pouvoir aimer autant, ni même dépendre à ce point d'une personne. Mais elle doit pourtant se rendre à l'évidence : elle est perdue sans lui. Elle a le cœur qui se serre tout à coup et l'angoisse qui l'étouffe. Parce que la peur ne la quitte jamais vraiment... Elle est sans nouvelle de lui. Elle sait que cela est normal, qu'ils ne sont plus ensemble, qu'il a probablement mieux à penser que lui écrire une lettre. Pourtant, elle ne peut s'empêcher de s'inquiéter, d'attendre un signe de sa part, juste un petit, pour être sûre qu'il soit vivant. Elle ne peut pas rester seule. Pas comme ça, pas maintenant. Alors instinctivement elle compose le numéro d'Emrys. « Hey... Je te dérange pas j'espère ? Écoute, j'ai vraiment besoin de toi... » Elle n'a pas besoin d'en dire plus, il comprend à son timbre de voix à quel point elle va mal, à quel point c’est dur. Il lui répond qu’il arrive sur le champ et raccroche dans la foulée. Emrys... Elle se demande parfois comment elle ferait s'il n'était pas là. Il est devenu son pilier, son repère. Il comprend sa peine, partage ses craintes. Il est l'épaule sur laquelle elle peut se reposer. S'il n'était que le meilleur ami de Blake au départ, le jeune homme est devenu bien plus en peu de temps. Tu es le seul à pouvoir me comprendre…