Nom + Chamberlain. Un nom de la haute bourgeoisie Anglo-Saxonne. Un nom aristocrate, méconnu en Amérique. Depuis des générations, les membres de sa famille, et surtout les femmes, ont voulu préserver ce patronyme. De mariage en mariage, c’était ce nom qui primait, pour ne pas éteindre la lignée. Prénom(s) + George. Comme plusieurs rois d’Angleterre. La tradition, encore et toujours. Toutefois, mes parents ont eu la bonne idée de m’en donner un deuxième, sachant pertinemment que ce n’était plus vraiment un nom à la mode, ni facile à porter. Pour ce faire, les gens me connaissent plus sous Axl. Oui oui, mes parents étant fans d’hard rock, m’ont prénommé comme le chanteur des Guns N’Roses. Surnom(s) + Aucun. Mon prénom est assez court pour ne pas avoir de surnom. Des amis, par contre, s'amusaient toujours à me sortir la réplique, culte, du film « it ». Date et lieu de naissance + Le 7 octobre, Austin, Texas. Âge + Trente-cinq ans. Nationalité + Aussi étonnant que cela puisse paraître, je suis de nationalité américaine, étant né sur leur sol. Depuis plusieurs générations, ma famille est venue s’installer ici, et c’est donc tout naturellement que notre nationalité à changer. Mais toujours anglais dans l’âme. Activité + Agent du FBI. Classe sociale + Aisé, de par ma famille. Orientation sexuelle + Hétérosexuel. Statut civil + Marié, sur le papier. Erreur de jeunesse, ou bien juste pour faire taire le père, qui voulait absolument me voir marié. C'était mieux ça qu'avec une inconnue. Cela fait maintenant six ans que ce cirque dure. Elle m'a quittée au bout de quelques moins, sans laisser de trace. Pour moi, ce n'est pas une simple signature sur un document qui va m'arrêter de batifoler à droite et à gauche. Date d'arrivée à Seattle + En 1999, juste avant le nouveau millénaire, à mes dix-huit ans, avant d'y repartir trois ans plus tard. Je suis de retour dans cette ville depuis la fin de ma formation à Quantico. J'ai demandé d'y être muté. Cela fait maintenant huit ans. Quartier d'habitation + Magnolia. Groupe + Play With Fire.

Je suis né et j’ai grandi à Austin, dans l’Etat du Texas. + Je viens d’une famille aisée. Mon père n’est rien d’autre que l’actuel gouverneur, et ma mère, quant à elle, est une grande avocate réputée + Je suis l’aîné d’une fratrie de deux enfants + La majorité de mon enfance je l’ai passée entre les bras d’une nounou. Mes parents n’étaient quasiment jamais à la maison, ou alors, quand ils y étaient, ils avaient d’autres priorités. A se demander même pourquoi ils avaient conçu. + Par contre, je ne peux pas vraiment me plaindre. J’ai vécu dans la luxure dès ma naissance. Une cuillère d’argent dans la bouche. Ecoles privées et tout le tralala + Mes parents voulaient que je suive leur voie, mais j’ai cassé ce cercle vicieux en allant à l’école de police, et, par la même occasion, en m’installant à Seattle dès mes dix-huit ans. Malgré leur protestation, j’ai tenu bon et je suis sorti parmi les meilleurs de ma promo + Malgré les apparences, j’ai toujours été un élève modèle. Justement, pour prouver aux autres que, même si j’étais fortuné, je n’étais pas un incapable. + Dès ma majorité atteinte, j’ai rejoint l’US Army, ou j’y ait servi pendant quatre ans. Autant dire que j’en ai vu des horreurs, et encore maintenant je fais des cauchemars. Personne n’a envie de vivre ce que j’ai vécu au front. + Dès mon retour sur le sol américain, et ayant besoin de changement, j’ai décidé de poursuivre ma formation à Quantico. Je m’étais lancé un nouveau défi : faire partie du FBI. + Pour le reste, rien d’important. Ce n’est que garniture. Comme tout le monde, avec quelques avantages en plus. Enfance heureuse en apparence, adolescence festive, ou je passais quand même pas mal de temps à boire et à fumer – je n’ai jamais touché de drogues par contre – en sorte de rébellion et pour ce qui est de la vie d’adulte ; métro boulot dodo. Rien d’autre n’a d’importance. Ma carrière passe avant tout.


Afghanistan, 1993
Moment de répit tant attendu. J’étais tranquillement couché dans mon sac de couchage, dans ma tente, seul. Ces moments se faisaient rares aux fronts, surtout par les temps qui courraient, et dès qu’on en avait l’occasion, on en profitait le plus possible. Ici, en Afghanistan, on ne savait jamais à quoi demain allait ressembler. On pouvait très bien être là aujourd’hui, et dans quelques heures, n’être plus que poussières. Les dures règles de la guerre. Nous étions aux premières loges. Bon nombre de mes camarades avaient déjà perdus la vie, et tous les jours, des nouveaux soldats apparaissaient. C’était comme si l’Amérique produisait des soldats prêts aux combats à la chaîne, comme on produit des poupées Barbie. Il manquait juste le mode d’emploi. Tout était imprévisible ici.

Quelques heures plus tôt, notre capitaine était passé de tente en tente, distribué le courrier reçu. Je le triais, mettant de côté des lettres de mes parents, et surtout celles de ma mère, ou elle me suppliait encore et encore de rentrer au bercail. De tout abandonné. Elle n’avait pas encore compris que je ne le pouvais pas. Que si je partais, je ferais partie des déserteurs, et la peine de mort était toujours applicable. Je mis de côté aux moins une bonne dizaine de lettres de sa part, je les lirais une autre fois. Les autres étaient principalement d’amis proches, d’anciens camarades avec que j’avais gardé contact, et celles-là aussi rejoignirent le tas que les lettres de ma mère avaient déjà formé. Le point positif ici, si on voulait faire de l’humour, était qu’on ne recevait aucune publicité. Hallelujah. La dernière lettre, par contre, m’hypnotisa. Aucune adresse de destinataire. Mais j’eus comme un mauvais pressentiment. Je l’ouvris délicatement, et je me mis en position assise, me penchant légèrement vers la lumière, produite par une lampe à pétrole. Je sortis la lettre, et reconnu une écriture féminine. J’arquais les sourcils, n’y comprenant rien. Impatient, curieux, au lieu de tout lire, je triais les quelques pages et j’allais directement à la fin. La lettre était tout simplement signée Eden. Je déglutis, et tous les souvenirs d’une certaine journée me revinrent en mémoire. Mal à l’aise.

Flashback. Dix-sept ans. Je me croyais le plus beau, le plus fort. Cela faisait maintenant deux mois et des poussières que je traficotais avec une charmante jeune fille de seize ans, faisant partie des cheerleaders du lycée, tout autant riche que moi. Je ne dirais pas que nous étions fait l’un pour l’autre mais …. au moins, nous connaissions le même monde. Elle m’avait écrit en fin de matinée, car elle voulait urgemment me voir dans l’après-midi même. Selon elle, elle avait quelque chose d’important à me dire, et, séchant les cours pour la rencontrer, je me dirigeais d’un pas peu rassurant vers la terrasse ou nous devions nous voir. Elle était déjà là, assise, nerveuse, touchant continuellement sa longue chevelure blonde bouclée. Je sortis une cigarette de mon paquet, avant de l’allumer, pour me donner un peu de courage. Je m’assis en face d’elle, sans oublier de l’embrasser pudiquement si je voulais éviter la crise diplomatique. Jouant le jeu à la perfection, même si je sentais que dans pas longtemps, toute cette histoire allait tourner au vinaigre. Un large sourire se dessina sur mes lèvres dès que le serveur partit avec nos commandes, et sa main vint se poser sur la mienne, la caressant doucement. « Chéri, j’ai une grande nouvelle à t’annoncer ». Je déglutis, ne la lâchant pas du regard, alors que dans ma tête j’étais déjà ailleurs. Loin d’ici. Loin de cette mascarade que j’avais monté de toute pièce. Sans m’en rendre compte, je m’étais levé. Elle allait ouvrir la bouche quand je l’interrompis d’un seul geste. Je ne voulais pas en entendre davantage. Le boule au ventre de connaître la suite. De savoir mes soupçons confirmés. Je me penchais légèrement vers elle, plantant mon regard dans le sien, qui était devenu froid. Mauvais. Les mots sortirent trop vite de ma bouche. Impossible de contrôler ce flot de paroles. « Tu n’es vraiment qu’une gourde, Eden. Tu croyais quoi ? Que j’étais amoureux de toi et que nous allions finir ensemble ? Sache que tu te trompes royalement ». Game Over. J’allais mettre fin à la partie. Je secouais la tête. « Tu n’es rien pour moi. Juste un bon coup, sinon, notre histoire aurait été finie depuis longtemps. Tu veux toute la vérité ? Tu n’es qu’un simple pari. Et oui. Certes, tu es très mignonne, je ne t’aurais pas choisi dans le cas contraire, mais avec les copains, on avait parié sur lequel de nous arrivait à t’avoir en premier avant Pâques. Merci de m’avoir fait gagner ». Je vidais mon verre de bière cul-sec, que le serveur nous avait apporté entre-temps, et je changeai de position, me postant à ses côtés, chuchotant à son oreille. « Tu n’es qu’une fille pitoyable de seize ans qui ne sert qu’à faire bander les mecs. Tu n’es bonne à rien d’autre ». Sans rajouter un mot de plus, je la quittais là. Sans lui laisser le temps de riposter. Seule avec son chagrin. M’éloignant, la boule au ventre était partie. J’étais enfin libéré.

Afghanistan A la seule lumière de ma lampe, je devins livide, en déglutissant. Je ne m’étais pas rendue compte à quel point je pouvais être un parfait idiot et un parfait connard à mon adolescence. Et ce n’était certainement pas la seule y avoir fait les frais. Bon, c’était du passé. Je pouvais encore me rattraper, ou pas Peut-être. Je n’étais pas vraiment sûr de vouloir changer, mais, avec les horreurs vécues à la guerre, rien que cela, ça changeait déjà un homme. Les mains tremblants légèrement, et revenant dans le présent, m’en voulant presque de mon comportement de gamin, je me mis lentement à lire la lettre. Dans son entier.

George, c’est Eden. Je ne sais pas si tu te souviens de moi, après toutes ces années, mais j’étais la fille naïve qui avait cru à un avenir entre nous deux, alors que je n’étais âgée que de seize ans. Qu’elle cruche je pouvais être. Avec le recul, je me suis rendue compte, qu’effectivement, tu n’avais pas tout à fait tort, et dans un sens, tu m’as réellement blessée ce jour-là, et tu m’as aussi ouvert les yeux. Je ne sais pas vraiment ce qui me pousse à t’écrire cette lettre après tout ce temps, surtout que nous ne sommes plus proches. Depuis cette fameuse journée, tu ne m’as plus jamais adressé la parole. Mais voilà. Je pense que je suis arrivée à un point de ma vie ou j’ai besoin de laisser le passé derrière moi, de l’enterrer pour de bon, d’y faire mon deuil et de continuer d’avancer sur de bonnes bases. Certainement aussi parce que mon psychologue me l’a demandé. Que les choses soient claires, je n’attends rien de toi, et ce n’est pas un déballage de printemps. J’ai juste besoin de te dire ce que j’avais sur le cœur, et de boucler la boucle. J’ai besoin, au fond de moi, que tu saches que j’étais venue t’annoncer, ce jour-là. Tu n’as pas besoin de te culpabiliser une fois que tu en sauras plus. Je ne t’en veux plus. Assez tourné autour du pot. J’étais enceinte. Voilà. C’est dit. C’était ce que j’étais venue t’annoncer, et oui, comme tu me l’as si bien craché à la gueule, je nous voyais déjà fonder une famille. Par chance, pour toi surtout, je ne l’étais que de deux mois et demi. De ce fait, une semaine après notre rendez-vous, je me suis fait hospitalisée dans une clinique privée. Pour avorter. Notre mini-nous dont j’avais tant rêvé n’était plus. S’il-te-plaît, ne le prend pas mal. J’avais juste besoin de soulager ma consciente, et, par cette lettre, de mettre un terme à toute cette histoire. Il le fallait. Pour moi. Pour mon bien. Pardonne-moi si cela te semble déplacé. C’est quand même le comble que ça soit moi qui demande ton pardon … Voilà […]

Je jetai la lettre au loin, ravalant ma fierté. Je ne m’étais jamais rendu compte du mal que j’avais laissé sur mon passage, et du mal que je faisais encore maintenant, et que je ferais certainement à l’avenir. Je me roulais en boule, dans mon sac de couchage, essayant de fermer les yeux, dans l’impossibilité de dormir. Sans savoir que, à partir de ce jour, elle hanterait mes rêves durant plusieurs années.